Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
LA FIÈVRE D’OR.

C’était un métis croisé d’Indien et de Mexicain, haut, sec et maigre comme un échalas ; sa figure, en lame de couteau, était ornée d’un énorme nez crochu qui ombrageait une bouche fendue jusqu’aux oreilles, et ornée de dents blanches et larges comme des amandes ; des yeux ronds aux paupières sanguinolentes, constamment agitées par un mouvement convulsif, lui complétaient la physionomie la plus étrange et la plus sinistre qui se puisse imaginer ; un sourire cruellement railleur relevait continuellement les lèvres minces de cet homme, et ajoutait encore à l’impression de malaise qu’inspirait toute sa personne.

En un mot, son approche faisait éprouver ce sentiment de froid visqueux que l’on ressent au contact d’une vipère ou de tout autre reptile.

Cet homme, sous son manteau, portait le splendide costume tout galonné d’or des officiers supérieurs mexicains ; il se faisait appeler don Francisco Florès et portait les insignes du grade de colonel de l’armée mexicaine.

Peut-être saurons-nous bientôt quel était le hideux personnage qui se cachait sous ce nom d’emprunt.

Le colonel, après s’être assis, ainsi que nous l’avons dit, sortit du tabac, confectionna une cigarette et se mit à fumer avec la plus superbe nonchalance.

Pendant quelques minutes, les deux hommes demeurèrent silencieux, s’examinant du coin de l’œil. Enfin le premier, fatigué sans doute de cette inquisition obstinée qui pesait sur lui sans qu’il lui fût possible de s’y soustraire, se résolut à prendre la parole.