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LA FIÈVRE D’OR.

seul argument, celui que le colonel avait si judicieusement employé pour vaincre sa résistance ; il se baissa, ramassa les deux onces, qu’il fit immédiatement disparaître, et s’adressant de nouveau aux voyageurs, mais cette fois avec un ton qu’il semblait chercher à rendre plus aimable :

— Allons, dit-il, il faut faire ce que vous voulez… je suis trop bon. Avez-vous au moins des provisions ?

— Nous avons tout ce qu’il nous faut.

— Tant mieux, car je n’aurais rien pu vous fournir ; ne vous impatientez pas, je descends.

En effet, il disparut de sa lucarne, et au bout de cinq minutes on l’entendit commander en grommelant de tirer les barres et de débarricader la porte.

Les voyageurs entrèrent enfin dans la cour du meson.

Le huesped avait menti comme un véritable hôtelier qu’il était ; il n’y avait dans sa maison que deux ou trois muletiers avec leurs mules et trois voyageurs qui, à leur costume, paraissaient être des hacienderos (gros fermiers) des environs.

— Holà ! cria don Sébastian, quelqu’un pour prendre mon cheval.

— Si vous commencez ainsi, cela n’ira pas longtemps bien, répondit le huesped du ton aigre qu’il avait précédemment employé ; ici chacun se sert, grand ou petit, et panse soi-même son cheval.

Le colonel Guerrero était loin d’avoir un caractère patient ; s’il avait précédemment supporté les insolences de l’hôtelier, c’était uniquement par la raison qu’il lui était impossible de le châtier, mais cette raison n’existait plus maintenant. Mettant vi-