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LA FIÈVRE D’OR.

avala d’un trait, et passant la main sur son front :

— Continue, maintenant, dit-il, je suis calme.

— Il ne me reste plus grand chose à ajouter : j’avais emmené avec moi trois chevaux de trait, je les chargeai, je mis aussi de l’or dans mes alforjas, dans celles de Curumilla et dans celles de don Cornelio. Le digne gentilhomme était comme fou, il bondissait comme un poulain sauvage et râclait sa guitare avec fureur ; il ne voulait pas quitter le placer, où il prétendait attendre seul notre retour ; je fus presque obligé d’employer la force pour l’emmener tant la vue et le chatoiement de cet or l’avaient fasciné. Enfin, pour me résumer, tu me demandais quatre-vingt mille piastres ; voilà pour cent cinquante mille piastres de traites sur la maison Wilson et Baker ; ajoute le prix du troupeau vendu à San José, et tu te trouves à la tête de cent soixante-quatre mille piastres, ce qui, à mon avis, est un assez beau denier. Qu’en penses-tu ?

Il tira alors les traites de sa poitrine et les remit à son frère de lait.

Louis était confondu ; il ne trouvait pas une parole.

— Ah ! ajouta négligemment Valentin, j’oubliais. Comme j’ai supposé que peut-être tu ne serais pas fâché d’avoir un échantillon de ton placer à montrer à tes associés, je t’ai apporté ceci.

Il lui présenta un morceau d’or natif gros à peu près comme le poing. Louis le prit machinalement, le posa sur la table et le considéra un instant d’un œil fixe et hagard ; puis, deux larmes jaillirent sur ses joues pâlies, un sanglot déchira sa gorge ; il étendit les deux bras et saisissant Valentin et Curu-