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LA FIÈVRE D’OR.

la sévérité imposante de son grand œil bleu si fier et si limpide, il cachait de tendre sollicitude et d’amitié pour eux ; aussi n’était-ce pas seulement du respect qu’il leur inspirait, mais de la vénération et un dévoûment porté presque jusqu’au fanatisme.

Une expédition comme celle que préparait le comte n’était pas chose facile à organiser, surtout avec les faibles ressources dont il disposait, n’étant efficacement aidé par personne, ne recevant que de vagues promesses de ses associés, et contraint de chercher en soi-même les moyens de faire face à tout.

Le riche placer dont Belhumeur et la Tête-d’Aigle lui avaient révélé le gisement, avait été exploité au temps de la monarchie espagnole ; mais depuis la déclaration de l’indépendance, l’incurie et le désordre ayant pris la place de l’énergie déployée par les Castillans, les Indiens avaient bientôt chassé les mineurs ; le placer avait donc été provisoirement abandonné ; puis, peu à peu, les Apaches et les Comanches, devenant plus audacieux au fur et à mesure qu’ils reconnaissaient que les blancs étaient plus faibles, s’étaient avancés, avaient reconquis de vastes territoires, sur lesquels ils s’étaient définitivement établis, sachant que jamais les Mexicains n’essaieraient de les en chasser ; si bien que le placer dont nous parlons, jadis situé sur les possessions de la Nouvelle-Espagne, se trouvait aujourd’hui enclavé dans le territoire indien, et que pour l’atteindre il fallait entamer une lutte mortelle avec les deux nations les plus redoutables du désert, c’est-à-dire les Apaches et les Comanches, qui ne souffriraient sous aucun prétexte l’envahissement de