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LA FIÈVRE D’OR.

attendant, avec la patience des cœurs bien trempés, l’occasion de reprendre leur revanche et de reconquérir la position qu’un instant de folle ivresse et de naïve crédulité leur avait fait perdre.

Le comte, avec ce coup d’œil infaillible qu’il possédait et la connaissance des hommes que de longs malheurs l’avaient mis à même d’acquérir, avait su, dans la foule qui, dès que son intention fut connue, envahit chaque jour sa maison, faire un tri et s’assurer la coopération de compagnons dévoués, rompus à la fatigue, d’un courage éprouvé, et qui, envisageant l’entreprise du comte comme le seul moyen de sortir de leur affreuse position, s’y attachèrent avec la ferme résolution de se sacrifier sans arrière-pensée à sa réussite.

Aussi, nous constaterons ici que de toutes les expéditions réunies à cette époque en Californie, la seule réellement honorable et qui renfermât en soi tous les éléments de succès désirables, fut l’expédition du comte Louis de Prébois-Crancé.

À peine la compagnie commençait-elle à se former depuis quelques jours, les enrôlements à se faire, que déjà l’esprit de corps avait pris naissance parmi ces hommes, qui se considéraient comme formant une seule et même famille.

Nous n’avancerons rien de trop en disant que le comte était adoré de ses compagnons.

Ces rudes aventuriers, si durement éprouvés par le sort, avaient deviné avec cette infaillible perspicacité des hommes qui ont beaucoup souffert, l’inépuisable bonté, la loyauté à toute épreuve et la vaste intelligence renfermée dans le cœur de leur chef, et, combien sous la tristesse de son visage et