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LA FIÈVRE D’OR.

de Sonora, premier degré à franchir pour ses projets ambitieux.

Colossalement riche, il était intéressé dans toutes les grandes entreprises industrielles et actionnaire dans la plupart des opérations minières.

C’était même dans le but de surveiller de plus près ces opérations qu’il avait demandé le gouvernement de la Sonora, pays neuf, presque ignoré encore et où il espérait pêcher plus facilement en eau trouble, à cause de son éloignement de la capitale et du peu de surveillance qu’il avait à redouter de la part du gouvernement de Mexico, auprès duquel il avait, du reste, de toutes puissantes influences.

Bref, le général Guerrero était un de ces sombres personnages qui, sous les dehors les plus séduisants, les manières les plus affables et les sourires les plus doux, cachent les instincts les plus pervers, la férocité la plus froide et l’âme la plus atrophiée.

Cependant, cet homme avait au cœur un sentiment qui, par sa force, rachetait bien des fautes.

Il aimait sa fille.

Il l’aimait avec passion, sans calcul ni arrière-pensée ; mais cet amour paternel avait encore quelque chose de fauve et de terrible, il aimait sa fille comme le jaguar ou la panthère aiment leur portée, avec fureur et jalousie.

Doña Angela, sans avoir jamais cherché à sonder le cœur impénétrable de son père, avait cependant, avec cet instinct inné chez les jeunes filles, deviné le pouvoir sans contrôle qu’elle exerçait sur cette nature altière qui brisait tout, mais devenait subitement devant elle faible et presque craintive. La