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LA FIÈVRE D’OR.

ment il devait s’y prendre pour l’enlever à la vie oisive et sans but qu’il menait au fond de cette province ignorée. Aussi plusieurs jours s’écoulèrent en chasses, en courses et autres distractions, sans que le capitaine entamât le sujet qu’il avait tant à cœur de traiter. Seulement, parfois il faisait une allusion détournée à la vie active de la capitale, aux occasions de se créer facilement une belle position, qu’un homme de l’âge de don Sebastian ne manquerait pas de rencontrer à Mexico, s’il voulait se donner la peine d’y aller, et beaucoup d’autres insinuations du même genre ; mais le jeune homme les laissait passer sans faire la moindre observation et sans paraître seulement les comprendre.

— Patience ! murmurait le capitaine, je finirai bien par trouver le défaut de la cuirasse, et si je ne réussis pas, il faudra que je sois bien maladroit.

Et il recommençait sournoisement ses attaques détournées, sans se laisser rebuter par l’impassible indifférence du jeune homme.

Don Sebastian s’acquittait vis-à-vis de son hôte, de ses devoirs de maître de maison avec une grâce, une aménité et une somptuosité toutes mexicaines : c’est-à-dire qu’il s’ingéniât à inventer les distractions qu’il supposait devoir être le plus du goût du digne capitaine. Celui-ci se laissait faire avec le plus beau sang-froid et jouissait consciencieusement des plaisirs que lui procurait le jeune homme, intérieurement charmé de l’activité qu’il lui voyait déployer pour lui plaire, et de plus en plus persuadé que s’il parvenait à éveiller en lui les sentiments qu’il supposait sommeiller au fond-de son âme, il lui serait facile de le convertir à ses idées et de lui