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LA FIÈVRE D’OR.

Le capitaine avait connu le jeune homme à l’époque où celui-ci n’était encore qu’un enfant ; bien des fois il l’avait fait danser sur ses genoux ; aussi, dans ses idées de droiture et de générosité, se croyait-il obligé, lui, ancien ami du père, d’enlever le fils à l’existence sans but qu’il menait.

En conséquence, le vieux soldat s’installa d’autorité dans l’hacienda et attendit de pied ferme le retour de celui qu’il était depuis longtemps habitué à considérer presque comme son fils.

La journée se passa paisiblement. Les peones indiens, accoutumés de longue date à professer le plus grand respect pour les chapeaux galonnés et les grands sabres, le laissèrent à peu près libre d’agir à sa guise, liberté dont le vieux soldat n’abusa nullement, se contentant de se faire servir un énorme vase plein d’une infusion de tamarin, qu’il plaça sur une table auprès de laquelle il s’installa commodément sur une butacca, se renversant en arrière, allongeant les jambes et se disposant à fumer une quantité énorme de cigarettes de paille de maïs qu’il confectionnait au fur et à mesure, avec cette dextérité que possède seule la race espagnole.

À peu près à l’oracion, c’est-à-dire vers six heures du soir, le capitaine, qui, à force de boire et de fumer, avait fini tout doucement par s’endormir, fut réveillé en sursaut par un grand bruit mêlé de cris, d’aboiements et de hennissements de chevaux qu’il entendit au dehors.

— Ah ! ah ! fit-il en retroussant sa moustache, je crois que voilà enfin le muchacho (jeune homme).

C’était, en effet, don Sébastian qui revenait de la chasse.