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LA FIÈVRE D’OR.

rieusement combattu pour la liberté de leur pays, reposent aujourd’hui dans leurs tombes sanglantes, protégés par l’auréole céleste que Dieu place au front des martyrs, quelle que soit la cause qu’ils ont défendue, si cette cause était juste.

Plus heureux que la plupart de ses braves compagnons d’armes, qui devaient les uns après les autres tomber, soit victimes de la barbarie espagnole, soit vaincus par la trahison, don Eustaquio échappa comme par miracle aux dangers sans nombre de cette guerre, qui dura dix ans, et vit enfin l’expulsion complète des Espagnols et la proclamation de l’indépendance.

Le brave soldat, vieux avant l’âge, couvert de blessures et dégoûté de l’ingratitude de ses compatriotes, qui, à peine libres, commençaient à se courir les uns sur les autres, et inauguraient cette ère funeste des pronunciamentos dont la liste est si longue déjà, et ne sera close que par la perte du pays et la ruine fatale de sa nationalité, se retira triste et soucieux dans son hacienda del Palmar, située dans la province de Valladolid, et chercha entre sa femme et son fils à rallumer quelques étincelles de ce bonheur dont il avait joui autrefois, lorsqu’il n’était alors qu’un obscur citadin.

Mais cette consolation suprême lui fut refusée ; sa femme mourut dans ses bras, deux ans à peine après leur réunion, atteinte d’un mal inconnu qui en quelques semaines, la conduisit au tombeau.

Après la mort de celle qu’il aimait de toutes les forces de son âme, don Eustaquio, brisé par la douleur, ne fit plus que végéter et traîner une existence misérable, qui se termina un an jour pour jour,