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LA FIÈVRE D’OR.

— Angela, mon enfant, dit-il à sa fille, tu as tort de tourmenter ainsi ta monture ; Rebecca est une bonne bête, bien douce, bien sûre, que tu devrais ménager un peu plus que tu ne le fais.

— Mais je vous assure, mon père, répondit en riant la mutine enfant, que je ne tourmente pas du tout Rebecca, au contraire ; je la chatouille seulement un peu, afin de l’émoustiller.

— Oui, et de la faire danser aussi, petite folle, je le vois bien. Tout cela serait fort bon si nous ne faisions qu’une promenade de quelques heures, au lieu d’un voyage qui doit durer près d’un mois. Souvenez-vous, Niña, qu’un cavalier doit toujours ménager avec soin sa monture, s’il veut arriver sain et sauf au but de son voyage. Tu ne te soucierais guére, j’imagine, d’être laissée en route par ta jument ?

— Dieu m’en préserve, mon père ! Si cela est ainsi, je vous obéirai ; Rebecca peut être bien tranquille maintenant, je ne la tourmenterai plus.

En disant cela, elle se pencha sur le cou de sa jument et la flatta doucement de la main.

— Là, reprit le colonel ; maintenant que la paix à ce que je suppose, est faite entre vous, que penses-tu de notre façon de voyager, te plaît-elle ?

— Je la trouve charmante, mon père ; la nuit est magnifique, la lune nous éclaire comme en plein jour, la brise est fraîche sans cependant être froide ; jamais je n’ai été aussi heureuse.

— Tant mieux, mon enfant ; je suis d’autant plus satisfait de t’entendre parler ainsi, que je redoutais pour toi les ennuis et la fatigue d’un aussi long voyage, j’ai même été sur le point de te laisser au couvent.