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LA FIÈVRE D’OR.

manda-t-elle d’un petit ton délibéré qui fit tressaillir l’Espagnol.

— Hélas ! señorita, répondit-il, en cherchant à marivauder, ou aurais-je pu avoir le bonheur de vous voir jamais ? je n’ai vécu jusqu’à présent que dans l’enfer, avec les damnés.

— Parlons sérieusement fit-elle avec un imperceptible froncement de sourcils ; regardez-moi bien en face, caballero, et répondez-moi franchement ; me reconnaissez-vous, oui ou non ?

Don Cornelio leva timidement les yeux, obéit à l’ordre qu’il avait reçu d’une façon si péremptoire, puis, au bout de quelques secondes :

— Non, señorita, fit-il avec un soupir étouffé, je ne vous reconnais pas, je ne crois pas avoir eu le bonheur de me rencontrer avec vous avant aujourd’hui.

— Vous vous trompez, répondit-elle.

— Moi ! oh ! c’est impossible !

— Ne jurez pas, don Cornelio, je vais vous prouver la vérité de ce que j’avance.

Le jeune homme secoua négativement la tête.

— Lorsqu’un homme a eu le bonheur de vous voir une fois, murmura-t-il…

Elle l’interrompit brusquement.

— Vous ne savez ce que vous dites, votre galanterie est déplacée ; avant de me donner un démenti, vous feriez mieux d’écouter ce que j’ai à vous apprendre.

Don Cornelio se récria.

— Je vous répète, fit-elle nettement, que vous êtes fou ; pendant deux jours, vous avez voyagé dans la compagnie de mon père et la mienne.