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LA FIÈVRE D’OR.

pagnol deux grands yeux noirs pétillants de finesse, de malice et de curiosité.

Malgré l’immense dose d’amour-propre dont il était cuirassé et la conviction intime qu’il avait de son mérite, don Cornelio s’arrêta tout interdit sur le seuil de la porte et salua profondément sans oser faire un pas en avant dans l’intérieur de ce cuarto, qui lui semblait un sanctuaire.

Par un geste charmant, la jeune femme l’engagea à s’approcher d’elle et lui indiqua une butacca placée à deux pas du sopha sur lequel elle était étendue.

Le jeune homme hésita ; la camerista, en riant comme une petite folle, le poussa par les épaules et le contraignit à s’asseoir.

Cependant la position de nos deux personnages en face l’un de l’autre était assez singulière : don Cornelio, en proie à l’embarras le plus fort qu’il eût jamais éprouvé, tortillait entre ses mains les rebords de son feutre, en lançant à droite et à gauche des regards sournoisement interrogateurs, tandis que la jeune fille, non moins confuse, baissait craintivement les yeux et semblait à présent presque regretter la démarche inconsidérée à laquelle elle s’était laissée, malgré elle, entraîner.

Cependant, comme dans toutes les positions difficiles de la vie, les femmes possèdent une volonté d’initiative plus grande que celle des hommes, parce qu’elles se font une force de leur faiblesse et savent du premier coup prendre le biais des questions les plus ardues, ce fut elle qui reconquit d’abord son sang-froid et entama l’entretien.

— Me reconnaissez-vous, don Cornelio ? lui de-