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LA FIÈVRE D’OR.

généré en cela de leurs premiers pères ; au contraire, ils ont — si cela est possible — exagéré encore ces deux passions, auxquelles ils sacrifient tout.

Lorsque don Cornelio avait commencé à chanter, le patio, ainsi que nous l’avons fait observer, était complétement désert ; mais peu à peu, au fur et à mesure que le musicien s’animait, de tous les coins de la cour, des portes s’ouvraient, des hommes et des femmes apparaissaient, s’avançaient doucement vers le chanteur, se groupaient autour de lui ; si bien qu’après la ritournelle finale il se trouva entouré d’un cercle d’auditeurs enthousiasmés qui l’applaudirent avec frénésie.

Don Cornelio se leva de la margelle sur laquelle il était assis, ôta son chapeau et salua gracieusement l’assistance.

— Voilà, dit-il à part lui, ce qui donnerait à réfléchir à cet animal d’Indien qui apprécie si peu la bonne musique.

— Capa de Dios ! s’écria un arriero, voilà ce que j’appelle chanter.

— Pauvre señor don Rodrigo, a-t-il dû souffrir ! observa une jeune criada au jupon court et au grand œil fripon.

— Et ce perfide picaro de comte Julien, qui a introduit les Mores en terre catholique ! fit l’hôtelier avec un geste de colère.

— Dieu soit loué ! s’écria en chœur l’assistance, espérons qu’il rôtit au plus profond des enfers.

Don Cornelio était en proie à la jubilation la plus grande ; jamais il n’avait obtenu un tel succès.