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LA FIÈVRE D’OR.

tait animé, ses traits s’étaient contractés et ses regards lançaient des flammes.

Louis regardait son ami sans le comprendre, effrayé de l’exaltation dans laquelle il le voyait.

— Valentin ! s’écria-t-il, Valentin ! au nom du ciel, calme-toi !

— Ah ! continua Valentin avec un ricanement terrible, tu souffres, dis-tu, tu es malheureux, et bien ! écoute : cette femme que ta aimais, que j’ai retrouvée pour toi, que je t’ai fait épouser, enfin, eh bien ! moi, moi, ce n’était pas de l’amour que j’avais pour elle, c’était de l’idolâtrie ; pour pouvoir le lui dire, j’aurais avec joie donné pour elle mon sang goutte à goutte ; et pourtant, moi, à qui tu viens raconter tes douleurs, je vous ai mis dans les bras l’un de l’autre ; j’ai souri, comprends-tu ? j’ai souri à votre amour, et sans une plainte, sans un mot qui décelât cette passion qui me rongeait le cœur, je me suis enfui dans le désert, seul avec mon amour ! face à face avec lui, j’ai souffert pendant quinze ans ! Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! aujourd’hui encore cette plaie est aussi vive que le premier jour. Dis-moi, Louis, maintenant que tu sais tout, car nous sommes à l’heure de la franchise, n’est-ce pas ? quelles sont tes douleurs auprès des miennes ? de quel droit veux-tu mourir ?

— Oh ! pardon, pardon, Valentin, s’écria Louis en se jetant dans ses bras ; oh ! tu as raison, je suis bien ingrat envers toi.

— Non, répondit tristement Valentin en lui rendant avec effusion ses caresses, non, Louis tu es homme, tu as suivi la loi commune ; je ne puis et ne dois pas t’en vouloir ; pardonne-moi au con-