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L’ÉCLAIREUR.

extrême, d’autant plus que la jeune fille dont le corps avait été si audacieusement enlevé, avait des parents puissants qui, pour certaines raisons à eux connues, ne voulurent pas laisser ce crime impuni, et répandirent l’or à profusion. L’on sut bientôt que les bandits, en sortant du couvent, étaient montés sur des chevaux amenés par des gens apostés par eux, et s’étaient éloignés à toute bride dans la direction des presidios. On parvint même à découvrir un des hommes qui avaient fourni les chevaux ; cet individu, nommé Pepito, plutôt gagné par l’or qu’on lui offrit qu’effrayé par les menaces, déclara avoir vendu, pour le compte de don Torribio Carvajal, vingt-cinq chevaux de route, livrables à deux heures du matin, au couvent des Bernardines ; comme ces chevaux avaient été payés d’avance, lui, Pepito, ne s’était pas préoccupé du singulier endroit qu’on lui assignait et de l’heure non moins singulière. Don Torribio et ses amis étaient arrivés portant avec eux deux femmes, dont l’une paraissait évanouie, et ils s’étaient immédiatement éloignés à toute bride. La piste des ravisseurs avaient été suivie ainsi jusqu’au presidio du Tubac, où don Torribio avait fait reposer sa troupe pendant quelques jours ; là il avait acheté un palanquin fermé, une tente de campagne, toutes les provisions nécessaires à une longue exploration dans le désert, et une nuit il avait disparu subitement avec toute sa troupe, augmentée de tous les gens sans aveu ramassés par lui au presidio, sans que nul pût dire de quel côté il s’était dirigé ; ces renseignements étaient vagues, mais suffisants jusqu’à un certain point ; les parents de la jeune fille continuèrent leurs recherches.

— Je crois commencer à entrevoir où vous en voulez venir, interrompit Bon-Affût, mais concluez ; lorsque vous aurez terminé, je vous ferai certaines observations, dont, j’en suis convaincu, vous reconnaîtrez comme moi la justesse.