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L’ÉCLAIREUR.

Cinq minutes plus tard, il ne restait plus dans le couvent, que ses hôtes accoutumés.



IX.

Balle-franche et bon-affût.


À ce point de son récit Balle-Franche s’arrêta et s’occupa d’un air pensif à charger de tabac sa pipe indienne.

Il y eut un long silence.

Les assistants, encore sous le coup de cette histoire extraordinaire, n’osaient hasarder aucune réflexion.

Bon-Affût releva la tête.

— Cette histoire est fort dramatique et fort sombre, dit-il ; mais pardonnez-moi ma rude franchise, mon vieux et cher camarade, elle me semble n’avoir aucun rapport avec ce qui se passe autour de nous, et les événements dans lesquels nous sommes probablement appelés à être acteurs, ou tout au moins spectateurs intéressés.

— Au fait, observa Ruperto, que nous importent, à nous autres coureurs des bois, les aventures qui arrivent à Mexico, ou dans n’importe quelle autre ville des tierras à dentro ? Nous sommes ici dans le désert pour chasser, trapper ou combattre les Peaux-Rouges ; toute autre question doit fort peu nous toucher.

Balle-Franche hocha la tête d’une façon significative, et posant machinalement sa pipe auprès de lui :

— Vous vous trompez, compagnons, reprit-il ; croyez-vous donc que je vous aurais fait perdre votre temps à écouter ce long récit, s’il n’avait pour nous tous une raison d’actualité des plus importantes ?

— Expliquez-vous alors, mon ami, reprit Bon-Affût, car je vous avoue que, pour ma part, je n’ai absolument rien compris à ce qu’il vous a plu de nous dire.