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L’ÉCLAIREUR.

d’épaule. Le maître de la bicoque arriva effaré et à moitié vêtu pour s’informer de ce que signifiait cette manière insolite de frapper à sa porte ; le pauvre diable recula avec un cri de terreur en apercevant les bommes masqués qui étaient groupés à l’entrée de la maison.

Don Torrîbio était pressé, il entama la conversation en allant de suite droit au but ;

— Buenas noches, Tio Salado ; je suis charmé de vous voir en bonne santé, lui dit-il.

L’autre répondit sans trop savoir ce qu’il disait :

— Je vous remercie, caballero, vous êtes trop bon.

— Allons, dépêchez-vous, prenez votre manteau et venez avez nous.

— Moi ! fit Salado avec un geste d’effroi.

— Vous-même.

— Mais en quoi puis-je vous être utile ?

— Je vais vous le dire : je sais que vous êtes fort considéré au couvent des Bernadines, comme pulquero d’abord et ensuite comme hombre de bien y religioso.

— Oh ! oh ! jusqu’à un certain point, répondit évasivement le pulquero.

— Pas de fausse modestie, je sais que vous avez le pouvoir de vous faire ouvrir les portes de cette maison quand bon vous semble ; c’est pour cette raison que je vous invite à nous accompagner.

— Jésus Maria ! y pensez-vous, caballero, s’écria le pauvre diable avec effroi.

— Pas d’observations, dépêchons, ou de par Nuestra-Señora del Carmen, je brûle votre bicoque !

Un sourd gémissement sortit de la poitrine de Salado, qui après avoir jeté un regard désespéré sur les masques noirs qui l’entouraient, se mit en devoir d’obéir.

De la maison du pulquero au couvent il n’y avait que quelques pas ; ils furent bientôt franchis : don