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L’ÉCLAIREUR.

description particulière. Rien de plus luxueux, de plus religieux et de plus mondain que son ensemble. C’était une immense salle carrée, percée de deux larges fenêtres en ogives, à petits carreaux enchâssés dans du plomb sur lesquels étaient peints des sujets de sainteté d’un fini et d’une sûreté de touche admirable. Les murs étaient recouverts de longues tentures en cuir de Cordoue gauffré et doré, des tableaux de prix représentant les principaux traits de la vie du saint patron du couvent étaient groupés avec cette symétrie et ce goût que l’on ne rencontre que chez les gens d’église. Entre les deux fenêtres était placée une magnifique Vierge de Raphaël devant laquelle se trouvait un autel. Une lampe d’argent, pleine d’huile odoriférante, descendait du plafond et brûlait nuit et jour devant l’autel, que d’épais rideaux de damas cachaient à volonté. Les meubles se composaient d’un grand paravent chinois derrière lequel se dérobait le lit de l’abbesse, simple couchette en bois de chêne sculpté, entourée d’une moustiquaire de gaze blanche. Une table carrée, aussi en chêne, supportant quelques livres et un pupitre, était au milieu de la chambre ; dans un angle une vaste bibliothèque garnie de livres traitant de matières religieuses, laissant apercevoir à travers les glaces qui la fermaient les riches reliures d’ouvrages rares et précieux, quelques butaccas et des siéges à pieds torses étaient adossés à la muraille. Enfin, un brasero en argent, rempli de noyaux d’olives, faisait face à un superbe meuble-bahut, dont les fines cannelures étaient un chef-d’œuvre de la Renaissance.

Pendant le jour, la lumière, tamisée par les vitraux coloriés des fenêtres, ne répandait qu’une clarté douce et mystique qui faisait éprouver au visiteur un sentiment de respect et de recueillement, en donnant à cette vaste pièce un aspect sévère et presque lugubre.

Au moment où nous introduisons le lecteur dans cette