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L’ÉCLAIREUR.

Et il jeta sur la table une nouvelle poignée d’onces.

— Merci, caballero, s’écria Tio Leporello en se précipitant avidement sur le précieux métal.

Un sourire ironique plissa les lèvres du soldat, et profitant de la position du vieillard, qui était penché sur la table pour ramasser l’or il leva son couteau et le lui enfonça jusqu’au manche entre les deux épaules. Le coup fut si bien assené, porté d’une main si ferme, que le vieillard tomba comme une masse sans pousser un soupir, sans proférer une plainte. Le soldat le regarda un instant impassible et froid ; puis rassuré par l’immobilité de sa victime, qu’il crut morte :

— Allons, murmura-t-il, cela vaut mieux ; au moins de cette façon il ne parlera pas !

Après cette philosophique oraison funèbre, l’assassin essuya tranquillement son couteau, ramassa son or, éteignit le candil, ouvrit la porte de l’échoppe, la referma avec soin derrière lui, et s’éloigna de ce pas assuré, bien qu’un peu pressé, d’un promeneur attardé qui se hâte de regagner son logis.

La plaza Mayor était déserte.



VII.

Une ténébreuse histoire (suite).


L’ancien Mexico était traversé par des canaux comme Venise, ou pour être plus vrai comme les villes de Hollande, car généralement dans toutes les rues il y avait un chemin latéral entre le canal et les maisons. Aujourd’hui que toutes les rues sont pavées, et qu’excepté dans un quartier de la ville les canaux ont disparu, on a peine à comprendre comment Cervantes, dans une de ses Nouvelles, a pu comparer Venise à Mexico ; cependant si les