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L’ÉCLAIREUR.

elle fixait sur moi son grand œil noir d’un air interrogateur. Je me redressai, et, de mon accent le plus sérieux je lui répondis, en plaçant la main sur mon cœur : — Un évangelista est un confesseur, les secrets meurent dans mon sein. Elle sortit alors un papier de la poche de sa saya et le tourna et le retourna entre ses doigts, puis tout à coup elle se mit à rire en décriant : — Que je suis folle, je fais du mystère à propos de rien ; d’ailleurs vous n’êtes en ce moment qu’une machine, puisque vous ne comprendrez pas vous-même ce que vous écrirez. Je m’inclinai à tout hasard, m’attendant à quelque combinaison diabolique, semblable à celles que depuis un mois elle me fait faire chaque jour.

— Trêve de réflexions, interrompit le sergent.

— Elle me donna le papier, reprit l’évangelista ; et, ainsi que cela est convenu entre vous et moi, je pris une feuille de papier que je plaçai sur une autre préparée d’avance et noircie d’un côté, si bien que les mots que j’écrivais sur mon papier étaient reproduits par la feuille noire sur une autre, sans que la pauvre niña s’en doutât le moins du monde ; après cela, la lettre n’était pas longue, elle avait tout au plus deux ou trois lignes ; seulement je veux être damné, ajouta-t-il en se signant pieusement, si j’ai compris un seul mot à cet affreux grimoire que j’ai copié ; ce doit être sans nul doute du morisque.

— Après ?

— Après j’ai plié le papier en forme de lettre, et j’y ai mis une adresse.

— Ah ! ah ! fit le soldat avec intérêt, c’est la première fois.

— Oui, mais ce renseignement ne vous avancera guère.

— Peut-être. Quelle est cette adresse ?

— Z. p. V. 2, calle S. P. Z. !

— Hum ! fit le soldat d’un air pensif, en effet c’est un peu vague ; ensuite ?