Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
L’ÉCLAIREUR.

Nilijti, — c’est vrai, — répondit laconiquement l’Indien.

Le visage du sachem se rembrunit, il crut être certain alors que Balle-Franche ne l’avait pas trompé ; car l’homme qu’il avait envoyé hors du camp était chargé, par lui, de s’assurer si effectivement on apercevait à peu de distance le feu d’une troupe de blancs ; la réponse de son émissaire lui prouvait qu’une trahison n’était pas possible, qu’il fallait continuer à feindre de bons sentiments, et se séparer dans des termes convenables des hôtes incommodes dont il aurait tant désiré se débarrasser autrement.

Sur son ordre, les chevaux furent détachés, et les guerriers se mirent en selle.

— Le jour est proche, dit-il, la lune est rentrée dans la grande montagne ; je me mets en route avec mes jeunes hommes ; que le Wacondah protège mes frères pâles !

— Merci, chef, répondit Bon-Affût, mais ne venez-vous pas avec moi ?

— Nous ne suivons pas le même sentier, répondit sèchement le chef, en lâchant la bride à son cheval.

— C’est probable, chien maudit, grommela Balle-Franche entre ses dents.

Toute la troupe était partie à fond de train et avait disparu dans les ténèbres ; bientôt le bruit de ses pas cessa de se faire entendre, se confondant dans l’éloignement avec ces mille rumeurs sans cause apparente qui troublent incessamment le majestueux silence du désert.

Les chasseurs étaient seuls. Comme les augures de l’ancienne Rome, qui ne pouvaient se regarder sans rire, peu s’en fallut que les chasseurs ne s’éclatassent au nez après le départ précipité des Apaches. Sur un signal de Bon-Affût, l’Aigle-Volant et l’Églantine vinrent se joindre aux coureurs des bois qui déjà s’étaient installés sans façon devant les feux dont ils avaient si adroitement dépossédé leurs ennemis.