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L’ÉCLAIREUR.

— Bien ; maintenant regardez, votre attente ne sera pas longue.

Après avoir prononcé ces paroles avec cet accent railleur, moitié figue et moitié raisin, qui lui était habituel, le vieux chasseur écarta résolument les broussailles et entra d’un pas ferme dans la clairière, suivi de ses deux compagnons.

Nous avons dit l’émotion causée par cette arrivée imprévue.

L’Aigle-Volant avait regagné son embuscade au haut de l’arbre dont il n’était descendu que pour causer avec le chasseur et lui donner les renseignements dont celui-ci avait si grand besoin. Balle-Franche s’était arrêté auprès de Bon-Affût.

— Ami, lui dit-il alors en espagnol, langue que la plupart des Indiens comprennent, votre ordre est exécuté ; l’Aigle-Volant et sa femme sont à présent dans le camp des Gambucinos.

— Bien, répondit Bon-Affût, comprenant à demi-mot ; quels sont les deux hommes qui vous accompagnent ?

— Deux chasseurs que le chef des Gachupines m’a donnés pour m’accompagner, malgré mes assurances que vous vous trouviez au milieu d’amis ; lui-même ne tardera pas à arriver à la tête de trente cavaliers.

— Retournez auprès de lui et dites-lui qu’il n’est pas nécessaire qu’il se dérange, ou plutôt, non, j’irai moi-même afin d éviter tout malentendu.

Ces paroles dites sans emphase, naturellement, par un homme que chacun des Indiens présents avait été souvent à même d’apprécier, produisirent sur eux un effet impossible à rendre.

Nous l’avons dit déjà plusieurs fois dans différents de nos ouvrages, les Peaux-Rouges joignent à la plus folle témérité la plus grande prudence, ils ne tentent jamais une