vait pas d’expressions assez fortes pour exprimer à don Miguel le bonheur dont son âme débordait ; seule doña Luisa demeurait sombre et pensive. En voyant avec quel laisser-aller et quel dévouement don Miguel, sans autre intérêt que celui de les servir, avait si souvent risqué sa vie pour elles, la jeune fille avait deviné la grandeur et la noblesse du caractère de l’aventurier ; alors l’amour était entré dans son cœur, amour d’autant plus violent que celui qui en était l’objet semblait ne pas s’en apercevoir.
L’amour rend perspicace : doña Luisa comprit bientôt pourquoi son amie lui vantait continuellement les qualités généreuses du jeune homme, elle devina la passion secrète qu’ils nourrissaient l’un pour l’autre. Une douleur cruelle la mordit au cœur à cette découverte ; en vain elle se débattit contre l’horrible torture d’une jalousie effrénée car elle sentait que jamais don Miguel ne l’aimerait. Cependant, malgré elle, la pauvre enfant se laissait aller sans espoir au charme de voir et d’entendre celui pour lequel elle aurait sacrifié sa vie avec bonheur. Quant à don Miguel il ne voyait rien, n’entendait rien : il était ivre de joie et savourait avec délices la voluptueuse félicité dont l’inondait la présence de doña Laura, assise, belle et nonchalante, entre lui et son père.
Heureusement que Bon-Affût n’était pas amoureux, lui, et qu’il voyait nettement les dangers de la position. Il convoqua un conseil composé de lui d’abord, de don Miguel, de Ruperto, de don Mariano et de Balle-Franche, dans lequel il fut résolu qu’on se dirigerait en toute hâte vers la plus prochaine frontière mexicaine, afin de mettre le plus tôt possible les jeunes femmes à l’abri de tout danger et d’échapper, si cela était possible, à un retour agressif des Indiens. Surtout il fallait se hâter, parce que, par une coïncidence malheureuse, on se trouvait à l’époque de l’année nommé par les Peaux-Rouges lune du Mexique, et