Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
418
L’ÉCLAIREUR.

rer l’attention de son compagnon, lui dit tout à coup en jetant autour de lui un regard de mauvaise humeur :

— Eh ! eh ! le ciel s’éclaircit énormément depuis quelques minutes, la nuit est moins profonde ; pourvu que la lune ne se lève pas avant que nous soyons arrivés où nous voulons aller.

— Nous avons encore plus de deux heures devant nous avant que la lune ne se lève, répondit don Miguel, c’est plus qu’il ne nous en faut.

— Vous croyez que deux heures nous suffiront ?

— J’en suis sûr.

— Allons, tant mieux, car je n’aime que médiocrement les marches de nuit.

— Ce n’est guère la coutume d’en faire.

— En effet, depuis quarante ans que je parcours le désert dans tous les sens, c’est ce soir la seconde fois qu’il m’arrive de faire une expédition de nuit.

— Bah !

— Mon Dieu ! oui ; la première fois, le fait mérite d’être constaté.

— Comment cela ? demanda don Miguel d’un air distrait.

— C’est que les circonstances étaient à peu près les mêmes : il s’agissait aussi de sauver une jeune fille qui avait été enlevée par les Indiens. C’était en 1835 ; j’étais alors au service de la Société des Pelleteries. Les Indiens Pieds-Noirs, pour se venger d’un tour que leur avait joué un mauvais drôle d’engagé, n’avaient rien trouvé de mieux que d’enlever la fille du commandant du fort Mackensie[1] ; alors…

— Écoutez, dit don Miguel en lui saisissant le bras, n’entendez-vous rien ?

  1. Voir Balle-Franche, un vol. in-12, chez Amyot, éditeur.