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L’ÉCLAIREUR.

Il se reprochait de laisser ainsi Bon-Affût s’exposer seul à des dangers terribles, pour une cause qui était la sienne. Mais la véritable raison, celle qu’il n’osait pas s’avouer à lui-même, celle enfin qui lui aurait fait braver avec joie les plus grands périls et même la mort pour sauver les jeunes filles, celle enfin qui le poussait sourdement à se révolter contre la prudence de Bon-Affût et à prendre à tous risques sa place dans l’exécution du plan concerté entre eux, cette raison était qu’il aimait doña Laura de Real del Monte.

Il l’aimait de cet amour puissant et invincible que les natures d’élite sont seules capables d’éprouver, amour qui grandit avec les obstacles et qui, lorsqu’il a pris possession du cœur d’un homme comme don Leo, lui fait accomplir les actes les plus téméraires et les plus extraordinaires.

Cet amour était d’autant plus fortement enraciné dans le cœur du jeune homme qu’il en ignorait complètement l’existence et ne croyait agir que sous le coup de l’affection qu’il portait aux jeunes filles et de la pitié que lui inspirait leur situation malheureuse. Si, dans le principe, il en avait été ainsi, ce qui est vrai, puisqu’il ne connaissait pas doña Laura, la position avait complètement changé depuis.

Un jeune homme ne voyage pas impunément côte à côte avec une jeune fille pendant plus d’un mois, la voyant sans cesse, causant avec elle à chaque instant du jour, sans s’éprendre d’elle.

Il y a dans les jeunes filles un certain charme dont on ne cherche pas à se rendre compte, qui semble émaner de tout leur être, s’imprégner dans tout ce qui les entoure, qui séduit et subjugue malgré eux les hommes les plus forts.

Le frou-frou soyeux de leur robe, la désinvolture molle et aérienne de leur tournure, les parfums enivrants de leur ondoyante chevelure, la pure limpidité de leur regard