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L’ÉCLAIREUR.

Pour toute réponse, le chef lui montra son bras disloqué qui pendait inerte le long de son corps.

— C’est toi qui l’as voulu, reprit le chasseur ; ne t’avais-je pas averti que la protection du Wacondah était sur moi ? Va, retire-toi dans ton calli, garde le silence sur ce qui s’est passé ici ; au coucher du soleil, trouves-toi dans ta pirogue sur le bord de la rivière, en aval du pont ; j’irai t’y rejoindre, peut-être te guérirai-je si tu as suivi strictement l’ordre que je te donne ; surtout n’oublie pas que tu dois être seul ; va.

— J’obéirai à mon père ; ma bouche ne proférera pas une parole sans son ordre. Mais comment pourrais-je sans son secours sortir d’ici ? les esprits qui veillent sur mon père me frapperont de mort dès que je ne serai plus en sa présence.

— C’est vrai. Tu as été assez puni ; relève-toi et appuie-toi sur mon épaule ; je t’aiderai à marcher jusqu’à l’entrée du temple.

Le Loup-Rouge se releva sans répliquer ; son esprit rebelle était dompté désormais, la rude leçon qu’il avait reçue lui inspirait enfin pour le médecin une terreur superstitieuse que rien ne pouvait vaincre.

Le chasseur le conduisit doucement jusqu’à la porte du temple. Arrivé là, il examina minutieusement le bras du blessé, s’assura qu’il n’était pas brisé, et le congédia en lui disant d’un ton où la bonté se mêlait à la sévérité :

— Remercie le Wacondah qui a eu pitié de toi ; dans quelques jours ta blessure sera guérie ; mais que cette leçon te profite, misérable ; ce soir, tu me reverras ; va ; maintenant mon secours ne t’est plus nécessaire, tu peux seul regagner ton calli.

— J’essaierai, répondit humblement le chef.

Sur un nouveau geste du chasseur, il se mit lentement en marche.