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L’ÉCLAIREUR.

un nouveau soupir et murmura d’une voix basse et entrecoupée :

— L’esprit m’obsède, il fige la moelle de mes os !

Les Indiens échangèrent un coup d’œil épouvanté et reculèrent avec effroi.

— Wacondah ! Wacondah ! reprit le Canadien, pourquoi as-tu doué de cette science funeste ton malheureux serviteur ?

Les deux Peaux-Rouges sentirent réellement leur sang se glacer dans leurs veines à ces paroles sinistres ; un frisson de terreur parcourut leurs membres et leurs dents claquèrent les unes contre les autres à se briser. Bon-Affût marcha lentement vers eux ; ils le regardèrent venir sans oser faire un mouvement pour l’éviter ; le chasseur posa sa main droite sur l’épaule du grand-prêtre, fixa sur lui un regard perçant et dit d’une voix sombre :

— Que les fils de l’Ayolt sacrée s’arment de courage !

— Que veut dire mon père ? murmura en tremblant le vieillard.

— Un esprit méchant, continua lentement le chasseur, s’est emparé de ces filles des visages pâles ; cet esprit méchant frappera de mort, à compter de ce soir, tous ceux qui s’approcheront d’elles, car la science redoutable dont m’a doué le Wacondah m’a permis de m’assurer de la maligne influence qui pèse sur elles.

Les deux Indiens, crédules comme tous ceux de leur race, firent un pas en arrière. Alors le chasseur, afin de mieux corroborer ses paroles, feignit d’être repris d’une nouvelle crise et de se débattre contre l’obsession dé l’esprit qui le tenait.

— Mais que faut-il faire pour les délivrer de ce pouvoir funeste ? demanda timidement Atoyac.

— Toute force et toute sagesse viennent du Wacondah, répondit le Canadien ; je désire demander à mon père