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L’ÉCLAIREUR.

d’autres fois il se déroulait en rives de fraîches et riantes prairies couvertes d’une luxuriante végétation, ou en vallons gracieux et ondulés, fourrés d’arbres de toutes sortes.

C’était dans l’un de ces vallons que la pirogue de Balle-Franche avait abordé ; abrités de toutes parts par les hautes futaies qui les enveloppaient d’un épais rideau de verdure, les chasseurs auraient échappé, même pendant le jour, aux investigations des curieux ou des indiscrets qui auraient tenté de les surprendre à cette heure avancée de la nuit, aux rayons tremblotants de la lune, qui ne parvenaient jusqu’à eux que tamisés par le dôme de feuilles qui les cachait ; ils pouvaient se considérer comme étant complètement en sûreté.

Rassuré par la force de sa position. Balle-Franche, dès que don Stefano l’eut quitté, dressa son plan de campagne avec cette lucidité que peut seule donner une longue habitude de la vie du désert.

— Compagnon, dit-il au métis, connaissez-vous la Prairie ?

— Pas autant que vous certainement, vieux trappeur, répondit modestement celui-ci ; mais assez cependant pour vous être d’un bon secours dans l’expédition que vous voulez tenter.

— J’aime cette façon de répondre, elle dénote le désir de bien faire ; écoutez-moi attentivement : la couleur de mes cheveux et les rides qui sillonnent mon visage vous disent assez que je dois posséder une certaine expérience ; ma vie entière s’est écoulée dans les bois ; il n’y a pas un brin d’herbe que je ne connaisse, un bruit dont je ne puisse me rendre compte, une empreinte que je ne sache découvrir ; il y a quelques instants plusieurs coups de feu ont éclaté non loin de nous, le cri de guerre des Indiens a été poussé ; parmi ces coups de feu je suis certain d’avoir re-