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L’ÉCLAIREUR.

froncés, les lèvres serrées comme deux duellistes sur le point d’engager le fer.

C’était en effet un duel qu’ils allaient avoir à soutenir, duel d’autant plus terrible que la seule arme dont ils pouvaient se servir était la ruse et la dissimulation.

Le pouvoir des prêtres indiens est immense : il est d’autant plus redoutable qu’il est sans contrôle et ne relève que du dieu qu’ils invoquent et qu’ils savent faire intervenir dans toutes les circonstances où ils ont besoin de son appui.

Nul peuple n’est aussi superstitieux que les Peaux-Rouges ; pour eux la religion est toute physique, ils en ignorent complètement les dogmes et préfèrent croire, les yeux fermés, aux absurdités que leur débitent leurs devins, plutôt que de se donner la peine de réfléchir sur des mystères qu’ils ne comprendraient pas et dont, dans leur for intérieur, ils se soucient fort peu.

Nous avons dit que le grand-prêtre de Quiepaa-Tani était un homme d’une haute intelligence, résidant constamment dans la ville, possédant les secrets et, par conséquent, la confiance de la plupart des familles ; il avait assis son pouvoir et sa popularité sur des bases solides et presque inébranlables. Addick le savait : maintes fois il avait eu besoin de recourir à la puissance occulte du devin, il comprenait donc parfaitement les conséquences fâcheuses qu’aurait pour lui une rupture avec un pareil homme.

Chinchcoalt se tenait les bras croisés sur la poitrine, le visage impassible, devant le jeune chef dont les yeux flamboyaient et les traits exprimaient la plus violente indignation.

Cependant, au bout de quelques minutes, par un effort de volonté inouïe, Addick éteignit le feu de ses regards, rasséréna l’expression de son visage et tendit la main au prêtre, en lui disant d’une voix douce et conciliante dans