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L’ÉCLAIREUR.

les Peaux-Rouges, sont condamnés à la servitude la plus dure.

Le sort de ces malheureux est encore plus triste que celui de leurs compagnons d’esclavage, car ils n’ont pas la perspective d’être un jour rendus à la liberté : ils doivent, au contraire, s’attendre à périr tôt ou tard victimes de la haine de leurs maîtres cruels, qui se vengent impitoyablement sur eux des vexations sans nombre qu’ils ont souffertes sous le tyrannique et abrutissant système du gouvernement espagnol.

Aussi, est-ce réellement sous le coup de cette dure captivité que l’homme peut s’appliquer les mots désespérants écrits par le divin Dante Alighieri sur les portes de son Enfer : Lasciate ogni speranza.

Atoyac, chez lequel le hasard avait si providentiellement conduit le Canadien, était un des sachems les plus respectés des guerriers de Quiepaa-Tani. Dans sa jeunesse, il avait longtemps habité parmi les Européens, et la grande expérience qu’il avait acquise, en parcourant les contrées éloignées de sa tribu, avait ouvert son intelligence, éteint en lui certains préjugés de caste, et le rendait plus sociable et plus policé que la plupart de ses compatriotes.

Tout en buvant son pulque à petite dose, ainsi que doit le faire un gourmet qui apprécie à sa juste valeur la liqueur dont il s’abreuve, il causa avec le chasseur, et peu à peu, soit par l’influence du pulque, soit plutôt par la confiance instinctive que lui inspirait le Canadien, il devint plus communicatif. Ainsi que cela arrive toujours en pareille circonstance, il commença par ses propres affaires et les raconta dans les plus grands détails au chasseur ; il lui apprit qu’il était père de quatre fils, guerriers renommés, dont le plus grand bonheur était de faire des courses sur le territoire espagnol, pour brûler les haciendas, ravager