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L’ÉCLAIREUR.

Bon-Affût, qui le suivait de près, arriva à la porte à l’instant où les derniers cavaliers disparaissaient dans la cité.

Le chasseur comprit que le moment était venu de payer d’audace : prenant alors l’air le plus insouciant qu’il lui fût possible d’affecter, bien que son cœur battit à lui briser la poitrine, il se présenta à son tour pour entrer.

Il avait aperçu à quelque distance l’Aigle-Volant et sa femme, arrêtés à causer avec un Indien qui semblait tenir un certain rang.

Cette vue redoubla le courage du hardi Canadien.

Il franchit hardiment le pont et arriva impassible en apparence devant la porte.

Alors une lance s’abattit devant lui et lui barra le passage.

À un geste de l’Aigle-Volant, l’Indien avec lequel il causait le quitta et se dirigea vers la porte.

C’était un guerrier de haute taille, auquel ses cheveux grisonnants et les rides nombreuses de son visage imprimaient un certain caractère de douceur, de finesse et de majesté ; il dit un mot à la sentinelle qui s’opposait au passage du chasseur ; celle-ci releva aussitôt sa lance et se recula de quelques pas après s’être respectueusement inclinée.

Le vieil Indien fit signe au Canadien d’entrer.

— Mon frère est le bienvenu dans Quiepaa-Tani, dit-il gracieusement en saluant le chasseur ; mon frère a des amis ici.

Bon-Affût, grâce à la vie qu’il menait depuis longtemps dans les Prairies, parlait plusieurs dialectes indiens avec autant de facilité que sa langue maternelle ; d’après la question que lui adressait le Peau-Rouge, il comprit qu’il était soutenu ; alors il prit l’aplomb nécessaire pour bien jouer son rôle et reprit :

— Mon frère est-il un chef ?

— Je suis un chef.