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L’ÉCLAIREUR.

autant poursuivre le nuage qu’emporte le vent ; laissez échapper ces misérables, nous les retrouverons, je vous le garantis !

L’aventurier comprit qu’en ce moment une poursuite dans les ténèbres serait donner sur lui d’énormes avantages à ses ennemis plus au fait de la localité et probablement fort nombreux ; il s’arrêta avec un soupir de regret.

Le chef fut alors entouré et félicité pour sa belle résistance. Le sachem reçut ces compliments avec la modestie qui lui était habituelle.

— Ooah ! répondit-il seulement, les Apaches sont des vieilles femmes poltronnes ; un guerrier comanche suffit pour en tuer six fois dix, et vingt davantage.

Par un hasard miraculeux, le brave Indien n’avait reçu que quelques égratignures sans importance, dont, malgré les pressantes sollicitations de ses amis, il ne voulut pas consentir à s’occuper autrement qu’en les lavant avec un peu d’eau fraîche.

— Mais, dit soudain Bon-Affût en se baissant, qu’avons nous ici ? Eh ! eh ! je ne me trompe pas, voilà notre fugitif.

C’était, en effet, Domingo. Le pauvre diable avait la cuisse brisée ; prévoyant sans doute le sort qui l’attendait, il hurlait de douleur sans vouloir répondre autrement.

— Ce serait une bonne action, dit don Mariano, de casser la tête à ce misérable, afin de terminer ses souffrances.

— Ne nous pressons pas, observa l’implacable chasseur, chaque chose aura son temps ; laissez l’Aigle-Volant nous expliquer comment il l’a rencontré.

— Oui ! ceci est important, appuya don Miguel.

— C’est le Wacondah qui a livré cet homme entre mes mains, répondit sentencieusement le chef. J’avais fouillé la forêt avec autant de soin que me le permettaient les ténèbres, je revenais vers vous fatigue de près de deux heures