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L’ÉCLAIREUR.

Le chasseur sourit légèrement, mais se remettant aussitôt :

— Merci de la leçon que vous me donnez, chef, dit-il en lui tendant cordialement la main, je la mérite, car j’ai en effet manqué de confiance en vous ; le service que j’attends de vous est si important pour moi que je reculais tous les jours à vous le demander et que, malgré moi, je vous l’avoue, je ne m’y serais probablement décidé qu’au dernier moment.

— Je le sais, répondit le Comanche avec un ton de bonne humeur tout à fait rassurant.

— Cependant, reprit le chasseur, malgré l’assurance que vous avez de connaître mes projets, peut-être serait-il bon que j’entrasse vis-à-vis de vous dans certains détails que vous ignorez.

— Je répète à mon frère pâle que je sais tout ; l’Aigle-Volant est un des premiers sachems de sa nation, il a l’ouïe fine et la vue perçante : depuis près de deux lunes il n’a pas quitté le grand chasseur pâle ; pendant ce laps dé temps, bien des événements se sont passés, bien des paroles ont été prononcées devant lui ; le chef a vu, il a entendu, et tout est aussi clair dans son esprit que si toutes ces choses avaient été dessinées pour lui dans un de ces colliers — livres — que savent si bien faire les blancs et dont j’ai vu quelques-uns entre les mains des chefs de la prière.

— Quelle que soit votre pénétration, chef, reprit le chasseur avec insistance, j’ai peine à me figurer que vous soyez aussi bien au courant de mes intentions que vous le supposez.

— Non-seulement je connais les intentions de mon frère, mais encore je sais quel est le service qu’il attend de moi.

— Pardieu, chef, vous me ferez un énorme plaisir en me le disant, non pas que je doute de votre pénétration, les hommes rouges sont renommés pour leur finesse ; cepen-