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L’ÉCLAIREUR.

là, ils peuvent revenir sur leur détermination et embrasser une autre carrière ; mais ce cas est extrêmement rare. Il est vrai que, s’ils profitaient de la faculté que leur accorde la loi, ils seraient infailliblement assassinés par leurs confrères qui craindraient de voir une partie de leurs secrets dévoilés au vulgaire. Du reste, les prêtres sont fort respectés des Indiens dont ils savent se faire aimer ; on peut dire qu’après le chef, le Amanani est l’homme le plus puissant de la tribu.

Chez ces peuples où la religion est un si formidable levier, il est à remarquer que le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel n’entrent jamais en lutte ; chacun sait jusqu’où vont ses attributions et suit la ligne qui lui est tracée, sans chercher à empiéter sur les droits de l’autre. Grâce à cette intelligente diplomatie, prêtres et chefs marchent de concert et doublent leurs forces.

L’Européen habitué au tumulte, au bruit et au mouvement des villes de l’Ancien-Monde, dont les rues sont constamment encombrées de voitures de toutes sortes et de passants affairés qui se heurtent, se choquent et se bousculent à chaque pas, serait étrangement surpris à l’aspect de l’intérieur d’une ville indienne. Là, pas de bruyantes voies de communication, bordées de boutiques magnifiques offrant à la curiosité ou à la convoitise des acheteurs et des filous ces superbes et éblouissant spécimens de l’industrie européenne. Là, pas de voitures, ni même de charrettes ; le silence n’est trouble que par le pas de rares passants qui se hâtent de regagner leur demeure, et qui marchent avec la gravité empesée des savants ou des magistrats de tous pays.

Les maisons, qui toutes sont fermées hermétiquement, ne laissent au dehors transpirer aucun des bruits du dedans. La vie indienne est concentrée dans la famille ; murée pour l’étranger, les mœurs sont patriarcales, et la voie publique