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L’ÉCLAIREUR.

milles au plus devant lui, la foule qui augmentait de plus en plus lui ôtait la liberté de ses mouvements, et les sombres silhouettes des deux chasseurs qui se détachaient en noir au sommet de la colline, l’avertissaient qu’au moindre mouvement suspect, il verrait se dresser devant lui deux ennemis formidables.

Faisant donc de nécessité vertu, il renferma au plus profond de son cœur les émotions qui l’agitaient, et résolut d’accomplir ostensiblement sa mission en entrant dans la ville ; mais il se réservait de confier les jeunes filles à son frère de lait Chicuhcoatl — huit serpents —[1] Amantzin[2] de Quiepaa-Tani, qui, en sa qualité de grand-prêtre du temple du Soleil, avait la possibilité de les cacher à tous les yeux, jusqu’au jour où tous les obstacles étant levés, Addick serait libre d’agir à sa guise et de reprendre ses captives.

Les malheureuses jeunes filles séparées violemment des deux seuls amis qui leur restaient, étaient tombées dans un état de prostration qui leur ôtait la faculté de s’apercevoir des hésitations et des tergiversations du guide perfide entre les mains duquel elles se trouvaient. Livrées sans défense aux volontés d’un sauvage, qui pouvait, si l’envie lui en prenait, se porter à toutes les violences envers elles, bien qu’on leur eût garantit sa fidélité, elles savaient qu’elles n’avaient à attendre aucun secours humain. Force leur fut donc d’abandonner leur sort à Dieu, et de se résigner chrétiennement aux dures épreuves que sans doute elles auraient à subir pendant leur séjour au milieu des Indiens.

Les trois voyageurs mêlés à la foule toujours plus épaisse de ceux qui, comme eux, se dirigeaient vers la ville, ne tardèrent pas à atteindre les bords des fossés, suivis par les regards inquisiteurs de ceux qui les entouraient ; car

  1. De Chicuey huit, coalt serpent.
  2. D’Amanani devin.