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L’ÉCLAIREUR.

elle viendra sans murmurer. Un visage pâle, ami de Mahchsi-Karehde, est en danger en ce moment.

— Le chef le sauvera.

L’Indien sourit.

— Oui, dit-il ; ou, si j’arrive trop tard pour cela, au moins je le vengerai, et son âme tressaillera de joie dans les Prairies bienheureuses en apprenant de son peuple que son ami ne l’a pas oublié.

— Je suis prête à suivre le chef.

— Partons donc alors, car il est temps.

L’Indien se mit en selle d’un bond : l’Églantine se prépara à le suivre à pied.

Les femmes indiennes ne montent jamais le cheval de guerre de leurs maris ou de leurs frères. Condamnées par les lois qui régissent leurs peuplades à demeurer constamment courbées sous un joug de fer, à être réduites à la plus complète abjection, et à s’occuper des travaux les plus durs et les pénibles, elles supportent tout sans se plaindre, persuadées qu’il en doit être ainsi, et que rien ne saurait les soustraire à l’implacable tyrannie qui pèse sur elles depuis leur naissance jusqu’à leur mort. En obligeant sa femme à le suivre à pied au milieu d’une forêt vierge par des chemins impraticables, rendus plus difficiles encore à cause des ténèbres, l’Aigle-Volant était convaincu qu’il ne faisait qu’une chose toute simple et toute naturelle ; l’Églantine, de son côté, le comprit ainsi, car elle ne se permit pas la moindre observation.

Ils se mirent donc en route, tournant le dos à la rivière et s’avançant du côté de la clairière.

Dans quel but le chef retournait-il sur ses pas et reprenait-il le trajet qu’il avait accompli une heure auparavant afin de s’éloigner des gambucinos ?

C’est ce que bientôt nous apprendrons probablement.