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L’ÉCLAIREUR.

bruit qu’il avait entendu et qui de seconde en seconde se faisait plus fort.

À peine se fut-il avancé d’une vingtaine de pas en se frayant un chemin à travers les lianes entrelacées et les hautes herbes qui lui barraient le passage, qu’il aperçut, arrêté à dix mètres de lui environ, un magnifique cheval noir qui, les oreilles couchées en arrière, le cou allongé et les quatre pieds tendus, fixait sur lui ses grands yeux intelligents d’un air effaré en renâclant avec force, la bouche couverte d’écume et les naseaux sanglants.

— Ooah ! murmura le chef en s’arrêtant tout court et admirant le superbe animal en connaisseur.

Il se rapprocha de quelques pas encore, en ayant soin de ne pas effaroucher davantage le cheval, qui suivait tous ses mouvements d’un œil inquiet ; et à l’instant où il le vit bondir pour s’échapper, il fit siffler sa reata autour de sa tête et la lança avec tant d’adresse que le nœud coulant tomba sur les épaules du cheval ; celui-ci essaya pendant trois ou quatre minutes de reprendre la liberté qui lui était si subitement ravie ; mais bientôt, reconnaissant l’inutilité de ses efforts, il se résigna à accepter de nouveau l’esclavage, et laissa approcher l’Indien sans chercher à continuer plus longtemps la lutte. C’est avec raison que nous disons qu’il se résigna à accepter de nouveau l’esclavage, car cet animal n’était pas un cheval sauvage, mais bien le magnifique barbe de don Estevan, que celui-ci avait probablement perdu pendant le combat lorsqu’il avait été blessé. Les harnais du cheval étaient en partie brisés et déchirés par les ronces, mais cependant encore en état de servir.

Le chef, joyeux de la bonne aubaine que lui procurait le hasard, monta sur le cheval et retourna auprès de l’Églantine, qui, soumise et obéissante comme une véritable femme indienne, n’avait pas bougé depuis son départ.

— L’Aigle-Volant retournera dans son village monté sur