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L’ÉCLAIREUR.

silence comme pour protester contre l’envahissement de leur repaire, l’homme qui aurait assisté à cette scène aurait cru être témoin de quelque encantation diabolique, et se serait éloigné au plus vite, en proie à la plus vive terreur. Cependant Balle-Franche creusait toujours ; sa tâche avançait lentement, parce que, au fur et à mesure qu’il descendait plus profondément dans le sol, les difficultés se faisaient pour lui plus grandes.

Un instant le chasseur s’arrêta, désespérant de parvenir à sauver le condamné ; mais ce mouvement de découragement n’eut que la durée d’un éclair : le Canadien, honteux de cette pensée, se remit à creuser avec l’énergie fébrile que donne à l’homme résolu la réaction d’une volonté forte sur une faiblesse passagère.

Enfin, après des difficultés inouïes, ce travail, vingt fois interrompu, vingt fois repris, fut achevé ; le chasseur poussa un ah ! de triomphe et de bonheur : s’élançant hors de la fosse, il saisit don Estevan par dessous les aisselles, le tira vigoureusement à lui, l’enleva du trou, et parvint non sans peine à l’étendre sur le sol.

Son premier soin fut de couper avec son couteau les liens qui enveloppaient de réseaux inextricables le corps du malheureux ; il desserra, ses vêtement afin de rendre à ses poumons le jeu nécessaire à l’aspiration de l’air extérieur, puis il remplit une demi calebasse, qui lui servait de tasse, avec l’eau de sa gourde, et vida cette eau sur le visage de don Estevan.

L’évanouissement de celui-ci avait été causé par l’émotion qu’il avait éprouvée en voyant arriver un sauveur au moment où il croyait n’avoir plus qu’à mourir ; cette immersion subite d’une eau glacée opéra en lui une réaction favorable ; il poussa un soupir et ouvrit les yeux.

Le premier mouvement de cet homme en reprenant con-