lui apprendra tout ce qu’il ignore, et peut-être pourra-t-il lui rendre un peu de ce bonheur qu’il a perdu. » Ce billet se terminait là, il n’était pas signé.
— C’est vrai, répondit don Mariano au comble de l’étonnement. Mais comment avez-vous appris ces détails ? C’est vous sans doute qui…
— Lorsqu’il en sera temps, je vous répondrai, fit don Miguel d’un ton péremptoire. Continuez.
— Que dirai-je de plus ? Je partis pour me rendre au rendez-vous étrange qui m’était assigné, nourrissant au fond de mon cœur je ne sais quel fol espoir. Hélas ! l’homme est ainsi fait qu’il se rattache à tout ce qui peut l’aider à douter d’un malheur. Aujourd’hui, Dieu, qui probablement m’a pris en pitié, m’a fait rencontrer cet homme qui est mon frère ; sa vue me causa un étonnement que je ne puis exprimer. Comment se trouvait-t-il ici, lui qui m’avait écrit qu’il partait pour la Nouvelle-Orléans ? Un vague soupçon, que j’avais toujours repoussé jusque-là me mordit au cœur avec une force telle que je commençai à croire, quoique cela me parût bien horrible, que mon frère était le traître auquel je devais tous mes maux. Cependant je doutais encore, je flottais indécis, lorsque ce portefeuille, perdu par ce misérable et retrouvé par le chef indien, l’Aigle-Volant, déchira tout à coup et fit tomber de mes yeux l’épais bandeau qui les couvrait, en me donnant toutes les preuves des odieuses machinations et des crimes commis par cet infâme, par ce fratricide indigne, dans le but ignoble de me dépouiller de ma fortune afin d’en faire jouir ses enfants. Voilà ce portefeuille, parcourez les papiers qu’il renferme, et décidez entre ce frère indigne et moi.
En disant cela, don Mariano tendit le portefeuille à don Miguel. Celui-ci le repoussa doucement
— Ces preuves sont inutiles pour nous, don Mariano, dit-il, nous en possédons de plus péremptoires encore.