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L’ÉCLAIREUR.

se cacher ? la justice doit se rendre à la face de tous. Qu’il vienne, cet homme qui prétend faire peser sur moi la responsabilité de crimes que j’ignore ; qu’il vienne, et je lui prouverai qu’il n’est qu’un vil calomniateur.

À peine don Estevan prononçait-il ces paroles que les branches d’un buisson voisin s’écartèrent, et un homme parut ; il s’avança à grand pas vers le Mexicain, et lui posant résolument la main sur l’épaule :

— Prouvez-moi donc que je ne suis qu’un vil calomniateur, don Estevan, dit-il d’une voix basse et concentrée en plongeant son regard dans le sien avec une expression de haine implacable.

— Oh ! s’écria don Estevan, mon frère ! Et chancelant comme un homme ivre, il recula de quelques pas, le visage couvert d’une pâleur mortelle, et les yeux injectés de sang et démesurément ouverts.

Don Mariano le maintint d’un bras ferme pour l’empêcher de rouler sur le sol, et approchant presqu’à le toucher son visage du sien :

— C’est moi qui t’accuse, Estevan, dit-il. Maudit qu’as-tu fait de ma fille ?

L’autre ne répondit pas : don Mariano le considéra un instant avec une expression impossible à rendre et le rpoussa dédaigneusement par un geste de souverain mépris. Le misérable trébucha, étendit les bras, cherchant instinctivement à se retenir ; mais les forces lui manquèrent ; il tomba sur ses genoux en cachant son visage dans ses mains avec une expression de désespoir et de rage trompée dont nul pinceau ne saurait exprimer la hideur.

Les assistants étaient demeurés calmes et impassibles, ils n’avaient pas prononcé un mot, pas fait un geste ; seulement une terreur secrète s’était emparée d’eux, et ils échangeaient des regards qui, si l’accusé avait pu les aper-