Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
L’ÉCLAIREUR.

placer dans le portefeuille. Bermudez l’arrêta résolument

— C’est Dieu qui vous donne les moyens de connaître enfin la vérité, dit-il ; ne négligez pas l’occasion qu’il vous offre, sans cela vous pourriez plus tard vous en repentir.

— Violer les secrets de mon frère, murmura don Mariano avec un mouvement de répulsion,

— Non, répartit sèchement Bermudez, mais savoir comment il est devenu le maître des vôtres ; seigneurie, souvenez-vous de la cause de notre voyage.

— Mais si je me trompais… s’il n’était pas coupable ?

— Tant mieux ! de cette façon vous en acquerrez les preuves.

— Ce que tu me pousses à faire là est mal, je n’ai pas le droit d’agir ainsi.

— Eh bien, moi qui ne suis qu’un misérable criado dont les actions n’ont aucune portée sérieuse, dans votre intérêt, je le prends, ce droit, seigneurie.

Et, par un geste rapide comme la pensée, il s’empara du portefeuille.

— Malheureux ! s’écria don Mariano, arrête ! que vas-tu faire ?

— Sauver, peut-être, celle que vous chérissez, puisque vous n’osez pas le faire vous-même.

— Que mon père laisse son esclave, dit l’Indien, en s’interposant, le Wacondah l’inspire.

Don Mariano n’eut pas le courage de résister plus longtemps, d’autant plus que, malgré lui, un sentiment inconnu dont il ne pouvait se rendre compte lui disait que c’était lui qui avait tort et que Bermudez faisait bien d’agir ainsi. Le métis avait, avec le plus grand sang-froid, ouvert les papiers sans paraître s’occuper de ce que son action avait de risqué au point de vue des convenances.