— Eh mais ! grâce à vous, je vais faire une promenade charmante.
Bon-Affût ne répliqua pas ; les deux chasseurs sellèrent et bridèrent leurs chevaux, et après avoir visité leurs armes avec tout le soin d’hommes qui sont convaincus qu’ils ne tarderont pas à s’en servir, ils se mirent en selle et s’avancèrent vers la barrière du camp.
Deux sentinelles se tenaient l’œil au guet, immobiles et droites à cette barrière ; elles se placèrent devant les coureurs des bois.
Ceux-ci n’avaient aucunement l’intention de s’éloigner inaperçus, n’ayant aucune raison de cacher leur départ.
— Vous partez ? demanda une des sentinelles.
— Non, nous allons seulement pousser une reconnaissance aux environs.
— À cette heure ?
— Pourquoi pas ?
— Dame ! il me semble que par un temps pareil mieux vaut dormir que courir la Prairie.
— Il vous semble mal, compagnon, répondit Bon-Affût d’un ton péremptoire, et d’abord, retenez ceci : je ne dois compte de mes actions à personne ; si je sors à cette heure, par l’orage qui menace, c’est que j’ai probablement pour agir ainsi des raisons puissantes ; ces raisons, je ne puis et ne dois vous les dire ; maintenant, voulez-vous, oui ou non, me livrer passage ? Sachez seulement que je vous rendrai responsable plus tard du retard que vous apporterez à l’exécution de mes projets.
Le ton employé par le chasseur en leur parlant frappa les deux sentinelles ; elles se consultèrent quelques minutes à voix basse, puis celle qui, jusque-là, avait porté la parole, se tourna vers les deux hommes, qui attendaient impassibles le résultat de cette délibération.
— Passez, dit-elle ; vous êtes en effet libre d’aller où