— Eh ! je sais cela aussi bien que vous, mon ami ; je sais aussi que l’arme la plus redoutable est celle qui se cache.
— C’est-à-dire la trahison.
Le Canadien tressaillit.
— Redoutez-vous donc une trahison ? demanda-t-il.
— Que puis-je craindre autre ?
— C’est vrai, fit le chasseur en baissant la tête ; mais, ajouta-t-il au bout d’un instant, que faire ?
— Voilà justement ce qui m’embarrasse ; je ne puis pourtant demeurer plus longtemps ainsi : l’inquiétude me tue ; quoi qu’il arrive, je veux savoir ce qui s’est passé.
— Mais de quelle façon ?
— Je ne sais, Dieu m’inspirera.
— Cependant vous avez une idée ?
— Certes, j’en ai une.
— Laquelle ?
— La voici, je compte même sur vous pour m’aider à la mettre à exécution.
Balle-Franche serra affectueusement la main de son ami.
— Vous avez raison, dit-il ; voyons votre idée.
— Elle est bien simple : nous allons quitter le camp à l’instant même, et battre dans tous les sens les abords de la rivière.
— Oui ; seulement je vous ferai observer que l’orage en tardera pas à éclater, déjà la pluie tombe en larges gouttes.
— Raison de plus pour nous hâter.
— C’est juste.
— Ainsi vous m’accompagnez ?
— Pardieu ! en doutiez-vous, par hasard ?
— Je suis un niais ; pardonnez-moi, frère, et merci.
— Pourquoi donc ? c’est moi, au contraire, qui vous remercie.
— Comment cela ?