— La nuit est avancée, dit-il à voix basse, un orage terrible se prépare ! où peut-être allé don Miguel ? Cette absence prolongée m’inquiète plus que je ne saurais dire ; il n’est pas homme à abandonner ainsi ses compagnons sans une raison bien puissante, ou peut-être…
Le chasseur s’arrêta en hochant tristement la tête,
— Continuez, fit Balle-Franche, dites votre pensée tout entière.
— Eh bien, je crains qu’il ne lui soit arrivé malheur.
— Oh ! oh ! croyez-vous ? Ce don Miguel est cependant, d’après ce que j’ai entendu dire, un hombre de a caballo d’un courage à toute épreuve et d’une force peu commune.
— Tout cela est vrai, répondit Bon-Affût d’un air préoccupé.
— Eh bien, pensez-vous donc qu’un tel homme bien armé et connaissant la vie de la Prairie ne soit pas de taille à se tirer d’un mauvais pas, quelque danger qui le menace ?
— Oui, s’il a affaire à un adversaire loyal, qui se place résolument devant lui et entame une lutte à armes égales.
— Quel autre péril peut-il craindre ?
— Balle-Franche, Balle-Franche ! reprit le chasseur avec tristesse, vous avez trop longtemps habité les comptoirs des marchands de pelleteries du Missouri.
— Ce qui veut dire ?… demanda le Canadien d’un ton piqué.
— Eh ! mon ami, ne vous fâchez pas de mon observation ; mais il évident pour moi que vous avez en grande partie oublié les mœurs du désert.
— Hum ! ceci est grave pour un chasseur, Bon-Affût, et en quoi, s’il vous plaît, ai-je oublié les mœurs du désert ?
— Pardieu ! en ce que vous ne semblez plus vous souvenir que, dans la contrée ou nous sommes, toute arme est bonne pour se défaire d’un ennemi.