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L’ÉCLAIREUR.

ces magnifiques produits des régions tropicales, l’acajou, l’ébénier, le palissandre, le mahogany tortueux, le chêne noir, le chêne-liège, l’érable, le mimosa au feuillage argenté, le tamarinier, poussant dans toutes les directions ses branches chargées de fleurs, de fruits et de feuilles qui forment un dôme impénétrable aux rayons du soleil. Des profondeurs vastes et inexplorées de ces forêts sortent de temps à autre des bruits inexplicables, des rugissements féroces, des miaulements félins, des cris moqueurs mêlés à des sifflements aigus, chants joyeux et pleins d’harmonie ou expression de colère, de rage et de terreur des hôtes redoutés qui les peuplent.

Après s’être engagé résolûment au milieu de ce chaos, et lutté corps à corps avec cette nature inculte et sauvage, on parvient, la hache d’une main et la torche de l’autre, à se frayer pouce à pouce, pas à pas, une route impossible à décrire ; tantôt en rampant comme un reptile sur des détritus de feuilles, de bois mort ou de fiente d’oiseaux, amoncelés depuis des siècles ; ou bien en courant de branche en branche au sommet des arbres et voyageant pour ainsi dire dans les airs. Mais malheur à celui qui néglige d’avoir l’œil constamment ouvert sur tout ce qui l’entoure et l’oreille au guet ! car, outre les obstacles élevés par la nature, il a à craindre les morsures venimeuses des serpents troublés dans leurs retraites, et les attaques furieuses des bêtes fauves. Il faut encore surveiller avec soin le cours des fleuves et des rivières que l’on rencontre, relever la position du soleil pendant le jour, ou se guider la nuit par la croix du sud, car une fois égaré dans une forêt vierge, il est impossible d’en sortir ; c’est un dédale dont aucun fil d’Ariane ne pourrait aider à trouver l’issue.

Puis enfin, lorsqu’on est parvenu à surmonter les dangers que nous avons détaillés, et mille autres non moins terribles que nous avons passé sous silence, on débouche