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L’ÉCLAIREUR.

— Parlez, mon ami, je ne serais pas fâché de connaître votre pensée tout entière.

— La voici : je suis certain que vous en savez beaucoup plus que vous ne voulez en avoir l’air sur l’histoire que je vous ai contée cette nuit.

— Peut-être avez-vous raison, mais qui vous fait croire cela ?

— Bien des choses, et d’abord celle-ci.

— Voyons.

— Vous êtes un homme trop sensé, vous avez acquis une trop grande expérience des choses de la vie, pour prendre sans cause sérieuse la défense d’un homme que, d’après les principes que nous professons dans les Prairies, vous devez au contraire plutôt considérer, sinon comme un ennemi, du moins comme un de ces individus avec lesquels il est souvent désagréable de se trouver en contact et d’entretenir des relations.

Bon-Affût se mit à rire.

— Il y a du vrai dans ce que vous dites là, Balle-Franche, fit-il.

— N’est-ce pas ?

— Je ne lutterai pas de finesse avec vous : oui, j’ai de fortes raisons pour prendre la défense de cet homme ; ces raisons, je ne puis vous les dire en ce moment : c’est un secret qui ne m’appartient pas, dont je suis seulement dépositaire ; j’espère que bientôt vous saurez tout, mais jusque-là, reposez-vous sur ma vieille amitié et laissez-moi agir à ma guise.

— À la bonne heure, au moins maintenant je commence à voir clair, et, quoi qu’il arrive, vous pouvez compter sur moi.

— Pardieu ! je savais bien que nous finirions par nous entendre, mais silence, et ne laissez rien paraître, nous sommes au rendez-vous. Diable ! les Mexicains ne se sont