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vaincu de trahison et que vous devez souffrir la mort des traîtres, c’est-à-dire être fusillé par derrière, prenant en considération l’uniforme que vous portez et qui est celui de l’armée mexicaine que nous ne voulons pas flétrir en votre personne, vous serez d’abord dégradé. Le jugement sera exécuté immédiatement après.

Le bandit haussa les épaules.

— Que m’importe ? fit-il.

Sur un signe du comte, un sous-officier sortit des rangs et la dégradation commença.

El Garrucholo supporta sans pâlir cette effroyable humiliation. Le bandit avait pris complétement le dessus en lui sur le caballero, et, comme il l’avait dit, peu lui importait d’être dégradé, c’est-à-dire déshonoré, puisque l’honneur pour lui n’était rien.

Lorsque le sous-officier eut repris son rang, le comte se tourna vers le condamné.

— Vous avez cinq minutes pour recommander votre âme à Dieu, lui dit-il ; puisse-t-il vous faire miséricorde. Vous n’avez plus ici-bas rien à attendre des hommes.

Le bandit éclata d’un rire nerveux et strident.

— Vous êtes fous ! s’écria-t-il ; qu’ai-je de commun avec Dieu, moi, si réellement il existe ? Canarios ! je n’ai que faire de le prier ; mieux vaut que je me recommande au démon, au pouvoir duquel je vais être, si ce que disent les moines est vrai.

À cet effroyable blasphème, les aventuriers firent un geste d’épouvante.

El Garrucholo ne sembla pas s’en apercevoir.

— Je n’ai, continua-t-il, qu’une seule grâce à vous demander.