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moi, ma conduite toute naturelle. Qu’êtes-vous, pour nous autres Mexicains, vous, étrangers ? Vous êtes des sangsues qui venez dans notre pays sucer le plus clair de notre sang, c’est-à-dire vous gorger de nos richesses, vous moquer de notre ignorance, tourner en ridicule nos mœurs et nos habitudes, nous imposer vos goûts et ce que vous appelez votre civilisation occidentale. Qu’avons-nous besoin de tout cela ? De quel droit vous emparez-vous de tout ce qui nous est cher ? Vous n’êtes que des bêtes féroces contre lesquelles tous moyens sont bons pour les détruire. Nous ne sommes pas les plus forts au grand soleil, eh bien, nous avons la nuit ; la loyauté, la franchise, nous perdraient, nous employons le mensonge et la trahison. Après ? Qui a tort ? Qui a raison ? Qui osera être juge entre nous ? Personne ! Je suis tombé entre vos mains, vous allez me tuer, fort bien ; je serai assassiné, mais pas condamné par vous ; car vous n’aurez nullement qualité pour vous ériger en tribunal. Que voulez-vous de plus maintenant ? Agissez à votre guise, peu m’importe. Celui qui sème le vent récolte la tempête ; j’ai semé la fourberie, j’ai récolté la trahison : c’est justice. Je vais mourir. Eh bien, cette mort que j’ai méritée, vous n’avez pas le droit de me l’infliger ; votre verdict sera un assassinat, je vous le répète.

Après avoir prononcé ces mots, il croisa fièrement les bras sur sa poitrine et promena un regard assuré sur l’assistance.

Malgré eux, les aventuriers se sentirent pris d’une espèce d’admiration pour la fauve résolution de cet homme aux manières félines et cauteleuses