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Cet homme, fit-il en le désignant du doigt avec une expression d’écrasant mépris, c’est le misérable qui, depuis notre arrivée à Guaymas, s’est attaché à nous, ne nous a plus quittés, a feint de nous aimer et de nous défendre pour nous voler nos secrets et les vendre à nos ennemis ; c’est le misérable que nous avons traité en frère, pour lequel nous avons eu les attentions les plus délicates et les plus soutenues ; c’est cet homme, enfin, qui prend le titre de colonel et le nom de Francisco Florès, et qui en a menti, car c’est un métis sans nom, surnommé el Garrucholo, ex-lieutenant del Buitre, ce féroce brigand qui commande une cuadrilla de salteadores qui, depuis plusieurs années déjà, désole le haut Mexique. Regardez-le, maintenant qu’il se voit reconnu, il tremble, le misérable, car il sait que, pour lui, vient enfin de sonner l’heure suprême de la justice.

En effet, à cette terrible révélation, faite ainsi devant tous, l’audace du bandit était subitement tombée, et une expression de hideuse frayeur contractait ses traits.

— Voilà, continua le comte, les hommes que nos ennemis n’ont pas honte d’employer contre nous, et ils nous traitent de pirates. Eh bien, cette flétrissure, nous l’acceptons, frères, et ces bandits tombés entre nos mains seront jugés selon la loi sommaire des pirates.

Les aventuriers applaudirent chaleureusement ce discours de leur chef. D’ailleurs, tous reconnaissaient la vérité et la logique de ses paroles ; dans la situation critique où ils se trouvaient, ils n’avaient rien à ménager ; la clémence aurait été une cou-