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de clémence déposé par Dieu dans l’âme de ces hommes implacables, et il se jeta vivement au-devant d’eux en levant en l’air son épée rouge jusqu’à la poignée.

— Assez, compagnons ! s’écria-t-il, assez ; nous sommes des soldats, nous autres, non pas des bourreaux ou des bouchers ! laissons aux Mexicains toutes les lâchetés, demeurons ce que nous avons toujours été, des hommes braves et cléments : grâce pour ces malheureux !

— Grâce ! grâce ! s’écrièrent les Français, en brandissant leurs armes au-dessus de leurs têtes.

En ce moment, le soleil se levait splendide dans un flot de vapeurs. C’était un spectacle à la fois imposant et plein d’une sublime horreur que celui que présentait ce champ de bataille fumant encore des dernières explosions des armes à feu, couvert de cadavres, et au centre duquel une trentaine d’hommes sans armes semblaient défier du regard un cercle d’ennemis souillés de sang et de poudre, à l’œil étincelant et aux traits contractés par la passion.

Le comte remit alors son épée au fourreau et s’approcha à pas lents des Indiens, qui le regardaient venir d’un air inquiet, car ils ne comprenaient rien à ce qui venait de se passer.

Les Indiens sont implacables, la clémence leur est inconnue ; dans les prairies, le væ victis est la seule loi. Les Peaux-Rouges étant sans pitié n’implorent jamais celle de leurs ennemis, et subissent sans se plaindre la dure loi qu’il plaît au vainqueur quel qu’il soit, qui les dompte, de leur infliger.

Les aventuriers avaient mis l’arme au pied et ou-